Alors que l’agrivoltaïsme cristallise les tensions entre enjeux agricoles, énergétiques et écologiques, il est urgent de revenir aux faits. Loin d’être un mirage, cette technologie offre des perspectives concrètes, à condition d’être encadrée et de garantir un partage équitable de la valeur.
Un exemple de terrain : l’élevage sous panneaux à Fontenet
À Fontenet (Charente-Maritime), l’éleveur Judickaël Richard fait paître ses 650 brebis sous les panneaux solaires d’une ancienne base aérienne, reconvertie en centrale photovoltaïque de 81 hectares par BayWa France. Grâce à cette installation :
- il perçoit 38 000 € par an ;
- il a doublé son cheptel ;
- il économise l’achat de fourrage en été grâce à l’ombrage.
Résultat : 11 000 € de bénéfice en 2023 et un salaire de 1 500 €/mois. Ce n’est pas une fortune, mais c’est un revenu régulier qui sécurise son activité, sans dépendre des aides.
Trois critiques, trois réponses
Les critiques se regroupent autour de trois grandes idées : l’inutilité des projets hors toitures, les atteintes à la biodiversité et la domination des intérêts énergétiques.
1. Le mythe des toitures suffisantes
Les toitures coûtent cher :
- ~80 €/MWh pour une centrale au sol,
- ~100 €/MWh pour un projet agrivoltaïque,
- plus du double pour une installation résidentielle (3 kWc).
S’appuyer uniquement sur les toitures rendrait la transition énergétique financièrement intenable à l’échelle nationale. L’agrivoltaïsme, en revanche, propose un compromis économiquement réaliste.
2. Les friches, une fausse abondance
L’Ademe évalue à 49 GW le potentiel des friches. Mais dans la réalité, beaucoup sont inadaptées, mal situées ou déjà préemptées. À l’inverse, les terres agricoles permettent un déploiement plus large, à condition de maintenir une activité agricole.
3. Des garde-fous pour préserver la vocation agricole
La loi de mars 2023 encadre strictement l’agrivoltaïsme :
- service agricole obligatoire (ombrage, protection contre la grêle, bien-être animal…) ;
- rendement agricole maintenu à 90 % minimum ;
- suivi écologique rigoureux.
Des panneaux plus hauts pour laisser passer les machines ou les troupeaux ? Cela coûte plus cher à l’énergéticien. Ce n’est donc pas une rente facile, mais un modèle qui oblige à la coopération avec les agriculteurs.
Agrivoltaïsme : quelle emprise réelle ?
- Pour 60 GW d’énergie solaire, il faudrait environ 60 000 ha, soit 0,2 % de la SAU française (28 millions d’hectares).
- À comparer avec 1 million d’hectares utilisés pour les agrocarburants, bien moins efficaces.
➡️ 1 ha de colza = 1 voiture sur 20 000 km (thermique)
➡️ 1 ha de solaire = 162 voitures électriques sur la même distance
Partage de la valeur : un enjeu central
L’agrivoltaïsme ne doit pas profiter à une poignée d’élus. Aujourd’hui, 3 000 €/ha/an sont versés en moyenne, à partager entre le propriétaire et l’exploitant. Mais les projets de grande taille (10 MW) concernent peu de fermes : seulement 1,5 % des exploitations seraient impliquées dans un scénario de 60 GW.
Pour éviter cet effet d’aubaine, la proposition de loi du député Pascal Lecamp (février 2025) propose deux leviers :
- une “contribution locale agricole” pour financer des projets collectifs dans le monde agricole ;
- un plafonnement à 5 MW par exploitation pour freiner les méga-projets individuels.
Le partage de la valeur devient ainsi un principe structurant : l’électricité produite doit bénéficier non seulement à l’exploitant concerné, mais aussi à l’ensemble du territoire agricole.
Pour un agrivoltaïsme responsable
Selon Solagro, un bon projet doit :
- proposer une rémunération raisonnable, équitablement répartie ;
- associer les acteurs locaux au capital ;
- inclure une dimension agroécologique, quand c’est possible.
« Quand le projet aide une ferme à entrer dans la transition agroécologique, c’est la fête », souligne Catherine Le Rohellec. À condition d’éviter les dérives, l’agrivoltaïsme peut être un catalyseur de transformation positive.
Conclusion
L’agrivoltaïsme n’est pas un jackpot. C’est une opportunité, encore minoritaire mais prometteuse, pour adapter notre agriculture au climat tout en produisant une énergie décarbonée. À condition de garantir un juste partage de la valeur, de respecter les équilibres écologiques, et de rester fidèle à la vocation agricole des terres.
Source :
Antoine de Ravignan, « Les mauvais procès faits à l’agrivoltaïsme », Alternatives économiques, mars 2025.
Lire l’article complet : https://www.alternatives-economiques.fr/mauvais-proces-faits-a-lagrivoltaisme/00114057
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