Directeur de recherche à l’Institut National de Recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) Christian Dupraz est spécialiste de l’agroforesterie. En 2011, il a publié la première étude scientifique qui a proposé le terme d’agrivoltaïsme.
Comment vous êtes-vous intéressé à l’agrivoltaïsme ?
Spécialiste de l’agroforesterie, j’étudie les mélanges de plusieurs productions sur la même parcelle (arbres, cultures et/ou animaux). En agrivoltaïsme, les panneaux remplacent les arbres et interagissent aussi avec les cultures. Je cherchais également des alternatives aux agrocarburants qui, chaque année, consomment 800 000 ha de terres agricoles en France, avec un rendement énergétique final très médiocre.
Comment se positionne la France aujourd’hui en matière d’agrivoltaïsme ?
La France a clairement un leadership et un temps d’avance sur les autres pays, y compris l’Allemagne et le Japon, car elle a su déployer différentes solutions technologiques. La condition sine qua non du succès est de garantir une production agricole normale sous les centrales agrivoltaïques. Pour cela, il faut des densités de panneaux nettement inférieures aux centrales classiques au sol ou sur toiture. Une serre entièrement couverte de panneaux photovoltaïques ne permet pas de production agricole… c’est un hangar. Dans les vrais projets agrivoltaïques, les panneaux laissent assez de lumière pour les cultures et les protègent de certaines agressions climatiques.
Le pouvoir politique porte une attention marquée pour l’agrivoltaïsme ces derniers temps, est-ce une bonne chose ?
Oui bien sûr ! D’autant que le potentiel de l’agrivoltaïsme est très important en France. On pourrait en théorie produire toute l’électricité française (y compris celle des centrales nucléaires) avec seulement 300 000 ha de centrales agrivoltaïques, soit moins de 1% des terres cultivées, sans perdre le rendement agricole de ces surfaces. Et les cultures sous ces centrales seraient protégées de certaines conséquences néfastes du changement climatique, grâce à l’ombre des panneaux en période de canicule, ou la protection contre les gelées en hiver. Il ne faut donc pas opposer agriculture et énergie, c’est cette complémentarité qui rend l’agrivoltaïsme vertueux.
Que faudrait-il faire pour développer davantage l’agrivoltaïsme en France ?
Tout d’abord, réduire les délais d’instruction des dossiers. Il faut compter trois ans environ en France pour une installation en agrivoltaïsme… c’est long ! Si le dossier est labellisé AFNOR, (agrivoltaïsme positif), les délais devraient clairement être raccourcis.
Nous sommes malheureusement très dépendants de la Chine pour la production des panneaux. Nous gagnerions évidemment à relocaliser en Europe. Le photovoltaïque reste une énergie très intermittente, et sa part dans le mix ne peut pas être trop élevée, sauf à développer des solutions de stockage efficaces. Là aussi les recherches progressent bien.
Enfin, la recherche agronomique sur les cultures partiellement ombragées reste balbutiante. Toutes nos variétés cultivées ont été sélectionnées pour le plein soleil. Les généticiens devraient essayer de créer des variétés adaptées à l’ombre !