Fleurir malgré le froid printanier : L’agrivoltaïsme dynamique contre les gels tardifs

Les épisodes de gels printaniers ne sont pas rares, ils sont propres à la saison et d’ailleurs popularisés par les fameux dictons des Saints de glace depuis plusieurs siècles.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le réchauffement climatique ne les fait pas disparaitre, au contraire : quand ils adviennent, il les rend sans doute plus dévastateurs.

En effet, les épisodes de variations extrêmes de températures au printemps s’accentuent et se multiplient (20 à 30°C d’écarts en quelques jours), servis par des hivers tendanciellement plus doux avec des pics de chaleurs records partout en France. A l’instar de vagues de chaleur précoces comme en février et mars 2024, suivies des épisodes de froids intenses et répétés d’avril 2024. Ces fluctuations de température exacerbées par le changement climatique présentent un risque significatif pour les cultures.

Les gels tardifs printaniers représentent donc un défi majeur pour tous les agriculteurs, et particulièrement pour certaines cultures plus sensibles au gel ou pour les bassins agricoles soumis aux plus fortes variations de températures et à certains couloirs et courants thermiques.

Schéma variation de températures -loriol mois de mai - Article gel
Source – MéteoBlue Variations de températures aux différentes heures de la journée à Loriol-sur-Drôme (Drôme, Auvergne-Rhône-Alpes)

Comprendre le phénomène de gels tardifs

Les gels tardifs surviennent après un épisode chaud quand les températures chutent soudainement, A cette période printanière, les plantes bourgeonnent et fleurissent, une étape cruciale pour la formation des fruits et la production à venir, mais un stade phénologique où la plante est fragile et très exposée aux risques climatiques. Ce phénomène est particulièrement critique pour les arbres fruitiers (arboriculture) et les vignes (viticulture).

Une chute brusque de température à ce stade peut ainsi compromettre ou anéantir en quelques heures la production de fruits et les futurs rendements de toute une parcelle pour toute la saison, et entraîner des pertes économiques significatives pour les agriculteurs à l’échelle de l’exploitation.

Comme le rappelle l’agroclimatologue Serge Zaka, l’année 2024 n’échappera probablement pas à ces épisodes meurtriers pour les cultures. Et pour cause, la première quinzaine du mois d’avril est la plus chaude jamais observée (avec un indicateur thermique de 14,53°C et anomalie de +3,5°C) ce qui a particulièrement chamboulé l’ensemble de la végétation.

Avec des records de températures particulièrement clémentes du mois de mars, la végétation est nettement en avance. Pour Serge Zaka, le stade actuel (mi avril) correspond à une floraison de la mi mai, soit un mois d’avance.

Rappelons que :

  • Un bourgeon fermé peut résister à des températures jusqu’à -15°C ou – 30°C
  • Un bourgeon ouvert jusqu’à -7°c ou -8°C
  • Quand la fleur apparait, elle a un seuil de tolérance pouvant aller vers -2°C
  • Et avec le petit fruit, le seuil est de -0,5°C

Or, certains types de cultures tels que les abricotiers ou les cerisiers sont déjà au stade du petit fruit, nettement sensible au froid.

Nul doute qu’avec des prévisions annonçant, dans certaines régions, des températures négatives, les agriculteurs particulièrement traumatisés depuis l’épisode de « gelée noire » survenu en 2021, ont les yeux rivés sur les applications météorologiques.

Rappelons qu’en avril 2021, une grande partie du territoire français avait subi des pertes catastrophiques à la suite d’un épisode de gel particulièrement sévère. Certaines exploitations perdant 100% de leur récolte. A l’exemple cette année de ce viticulteur Varois, victime d’un gel qui a « tout a “grillé” en quelques heures » (reportage TF1 du 23/04).

Malheureusement avec le réchauffement climatique, ce phénomène risque de devenir plus fréquent, modifiant ainsi le rythme des saisons. Les hivers deviennent plus courts et moins froids, tandis que les étés s’allongent et se réchauffent, réduisant ou décalant les périodes de transition comme le printemps et l’automne. Face à ces défis climatiques, diverses solutions d’adaptation sont explorées pour atténuer les impacts des gels tardifs, telles que l’agrivoltaïsme dynamique.

L’agrivoltaïsme dynamique, un bouclier de taille contre le gel printanier

Agrivoltaïsme dynamique en quelques mots

Né il y a 15 ans d’un programme de recherchs entre la société Sun’Agri et l’INRAE. L’agrivoltaïsme dynamique est une agro technologie reconnue et éprouvée en France et à l’international, plusieurs fois primée.

Le principe est simple : des persiennes solaires orientables placées à environ 5 mètres du sol et pilotées en temps réel par l’intelligence artificielle créent un microclimat et un état de bien-être optimum pour la culture, en faisant varier l’ensoleillement et l’ombrage et en réduisant les risques climatiques.

Dans un contexte d’insécurité climatique, cette technologie permet aux agriculteurs de préserver et améliorer leur production agricole sans nécessiter d’investissements majeurs, grâce à l’énergie solaire générée qui autofinance le dispositif de pilotage. Cette solution sert également de protection ponctuelle contre les intempéries telles que la grêle (avec des filets paragrêle intégrés à la structure), les orages, les pluies et les vents violents en atténuant leurs effets. L’agrivoltaïsme offre aussi une protection efficace contre les gels tardifs, en permettant une augmentation de température jusqu’à +2°C sous les panneaux, ce qui aide à prévenir le gel des fleurs, bourgeons et jeunes fruits.

Différentes études issues de rapport de suivi agronomiques 2020-2023 démontrent les résultats suivants 

• 2020 : entre +1,5 et +3°C d’écarts de température durant 7 nuits à Tresserre

• 2021 : + 32% fleurs de pommiers sauvegardées à Mallemort

• 2022 : -25% fleurs gelées Nectarine à Etoile-sur- Rhône, (8 à 9% sous les structures agrivoltaïques contre 33% sur la partie témoin)

• 2023 : + 2°C et 3 nuits de gelées nocturnes à Etoile-sur-Rhône pour les abricotiers cette année

Illustration agrivoltaïsme décrivant le fonctionnement de spanneaux photovoltaïques en fonction des aléas climatiques
Source : Livre Blanc – Sun Agri

Cette solution innovante est d’ailleurs plébiscitée par la Ministre déléguée auprès du ministre de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire, Agnès Pannier-Runacher.Interrogée au micro de Sud-Radio le 21/04/24 sur la possibilité d’une aide de l’état pour des aides à l’équipement en faveur des agriculteurs, arboriculteurs face à cette vague de froid, elle a répondu :

« Je crois qu’un des grands enjeux dans les années qui viennent c’est de permettre aux agriculteurs de s’adapter aux dérèglements climatiques. C’est-à-dire de pouvoir s’équiper aux nouvelles agressions que subissent leurs cultures. Nous apportons des soutiens aux agriculteurs pour s’équiper. Un exemple qui a l’air d’être très éloigné, l’agrivoltaïsme permet de gagner un ou deux degrés en situation de gel. Il permet de protéger les cultures contre la grêle, contre les pluies massives, il permet de gagner quelques degrés en moins lors de canicule. »

Agnès Pannier-Runacher

Conclusion

L’adoption de cette technologie pourrait être une stratégie clé pour les agriculteurs cherchant à minimiser les différents risques climatiques qu’ils subissent de saisons en saisons. Dans un contexte où ces phénomènes s’intensifient et se généralisent dans toutes les régions et filières agricoles, les politiques assurantielles évoluent et risquent de bientôt moins bien ou ne plus couvrir ces risques, mettant à mal la viabilité économique d’exploitations déjà fragilisées.

Face aux épisodes de gels tardifs, l’agrivoltaïsme est une solution parmi d’autres pour protéger les cultures. En sauvegardant et pérennisant les rendements agricoles sur plusieurs décennies, et face à divers aléas climatiques, l’agrivoltaisme est un outil de résilience globale et durable de l’exploitation agricole, qu’elle soit climatique, économique ou énergétique. 

Sources :

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